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La libre Circulation des marchandises dans l’Union Européenne et dans L’UEMOA

Approche comparative sous un angle commercial

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Ousmane Bougouma, 'La libre Circulation des marchandises dans l’Union Européenne et dans L’UEMOA', (2011) European Journal of Law Reform 577-599

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      Résumé
      La libre circulation des marchandises est une des quatre libertés communautaires consacrées par les traités sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et UEMOA qui forment les quatre «piliers» d’un marché commun.1x«Nous ne pouvons sentir que par comparaison. Quiconque connaît Andromaque ou Phèdre sentira mieux ce qu’est le génie français en lisant Le Songe d’une Nuit d’Eté qu’en lisant toutes les autres tragédies de Racine. Le génie Grec sera mieux compris par l’opposition d’une statue grecque à une statue égyptienne ou asiatique, que par la connaissance de cent statues grecques», A. Malraux, in La peinture de Galanis, OCIV, p. 1170. L’alter égo des Arts. 28 à 37 du TFUE dans l’Union européenne sont les Arts. 4 et 77 à 81 du Traité UEMOA. Ces deux textes ont un même élan, l’ambition de libéraliser le commerce entre les Etats membres à travers l’établissement d’un principe de libre circulation de tous produits appréciables en argent et susceptible comme tels de former l’objet de transactions commerciales. La libre circulation des marchandises est en effet une liberté communautaire essentielle. Les libertés communautaires exercent une influence quotidienne sur la vie des citoyens de la communauté et sans les régimes de libre circulation aucune avancée communautaire n’est possible. Elles intéressent aussi bien les Etats membres que les entreprises, qui sont les acteurs économiques. Nous nous proposons, à travers cette contribution, d’examiner prioritairement le cadre juridique UEMOA de la libre circulation des marchandises. Dynamique organisation d’intégration ouest africaine, elle fait figure d’exception aux échecs répétés des tentatives de regroupements sous régionales. L’appel au droit de l’UE, exemple de réussite d’intégration, vise à éclairer nos propos sur le droit UEMOA.

    • A. Introduction

      «La nature unit des peuples […] par le moyen de leur mutuel intérêt. Il s’agit de l’esprit commercial qui est incompatible avec la guerre et qui tôt ou tard s’empare de chaque peuple».2xE. Kant, Projet de paix perpétuelle (1795), Paris, 2002, p. 81. Cette prophétie kantienne est une véritable thérapie tant les regroupements d’Etats à caractère commercial et économique sont nombreux de nos jours. Le continent européen, théâtre de deux conflits sanglants en l’espace d’une vie, y a trouvé son salut, le contexte économique et juridique3xIl s’agit principalement de l’Organisation des Nations Unies (ONU). En effet, contrairement à la SDN, sa devancière, l’ONU est favorable au régionalisme. Son Art. 53 donne mission aux organisations régionales de régler pacifiquement les différents entre leurs Etats membres. Il s’agit là d’une véritable reconnaissance aux Etats membres par l’ONU d’un droit au régionalisme. d’après guerre ayant été favorable au régionalisme.

      En effet, au lendemain de la seconde guerre mondiale, la gravité de la situation économique européenne nécessitait une réaction d’ensemble. La panacée trouvée par l’Europe fut l’intégration des économies des Etats naguère opposés.4xLa Déclaration du 9 mai 1950 de R. Schuman préconise la mise en commun des intérêts économiques en créant «des solidarités de fait» afin que, progressivement et par un effet d’entraînement, cette politique des petits pas débouche sur une union économique. Voir F. Hervouet, ‘Démarche communautaire et construction européenne’, Colloque CEDECE de Poitiers, Doc. Fr., 2002; Le marché commun, Rev. éco. Politique, No. spécial, mars 1958; J. Timbergen, International Economic Integration, Amsterdam, 1965. L’Europe de l’économie est ainsi née à travers la convention de Paris du 18 Avril 1951 qui institua un marché commun du Charbon et de l’Acier,5xLa Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) a été instituée entre six Etats de l’Europe de l’Ouest. Il s’agit de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et du Benelux (Belgique, Nederland, Luxembourg). Conclue pour une durée de cinquante ans, elle a disparu en juillet 2002. marché commun qui sera perpétué et élargi par les traités de Rome du 25 mars 1957.6xLe 25 mars 1957 sont été signés à Rome, entre les Etats membres de la CECA, deux traités portant création de deux nouvelles communautés: la Communauté Européenne de l’Energie Atomique (CEEA ou EUROTOM) et de la Communauté Economique Européenne (CEE). L’objectif était de favoriser les échanges entre les peuples d’Europe à travers une libéralisation des économies nationales au sein d’une communauté afin d’éviter la guerre.

      Le vent de l’intégration a également soufflé sur l’Afrique de l’Ouest, même si les raisons du regroupement sont quelque peu différentes. Elle fut même un véritable laboratoire d’essai en matière d’intégration économique tant de nombreuses organisations communautaires s’y sont succédées depuis l’accession des Etats à la souveraineté nationale.7xOn peut citer à cet égard le Conseil de l’Entente (30 mai 1959), l’Union Douanière de l’Afrique de l’Ouest: (UDAO) (1959-1966), l’Union Douanière des Etats de l’Afrique de l’Ouest: (UDEAO) (1966-1973), la Communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest: CEAO (1966-1994), la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest: (CEDEAO) (1975). Voir E. Cerexhe & L. le Hardy de Beaulieu, Introduction à l’Union économique ouest africaine, 1997, p. 16 et seq.; L.M. Ibriga, ‘L’UEMOA, une nouvelle approche de l’intégration économique régionale en Afrique de l’ouest’, 6 Annuaire africain de droit international 1998, pp. 23-64; D.B. Ba, Le problème de la compatibilité entre l’UEMOA et l’OHADA, in La libéralisation de l’économie dans le cadre de l’intégration régionale: le cas de l’UEMOA, Actes du colloque de Ouagadougou des 16 et 17 décembre 1999, p. 157 et seq. (ci-après: ‘Le problème de la compatibilité’). La dernière organisation d’intégration économique en date est l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). Elle est certes «une veille entreprise neuve»8xD.B. Ba, Le problème de la compatibilité, supra note 7, p. 157 et seq. mais elle fait figure d’exception aux échecs répétés de regroupement d’Etats à caractère économique en Afrique de l’ouest. Organisation d’intégration économique et juridique9xL’intégration juridique menée par l’UEMOA se trouve cependant de plus en plus, et selon le mot de J. Issa-Sayegh: «en concours voir en concurrence avec celui d’autres organisations internationales chargées de la même mission dans les mêmes domaines juridiques». Il s’agit de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI), de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurance (CIMA), de la Conférence Interafricaine de PréVoirance Sociale (CIPRES), de l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (OHADA) et de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Pour ce qui est du conflit de normes entre l’UEMOA et l’OHADA voir D. B. Ba, Le problème de la compatibilité, supra note 7, p. 157 et seq.; pour le conflit de normes entre l’UEMOA et la CEDEAO voir L. M. Ibriga, Le problème de la compatibilité entre l’UEMOA et la CEDEAO, in La libéralisation de l’économie dans le cadre de l’intégration régionale: le cas de l’UEMOA, pp. 197-227., la volonté de construction d’un marché unifié n’est pas sans rappeler le mouvement d’intégration économique de l’Union européenne (UE).

      L’UEMOA s’est largement inspirée du système réussi de l’UE.10xJ. Issa Sayegh, L’ordre juridique de l’UEMOA et l’intégration juridique africaine, in mélanges J.C. Gautron, Les dynamiques du droit européen en début de siècle, Paris, 2004, p. 804 et seq.; P. Viaud, ‘Union européenne et Union économique et monétaire de l’Ouest africain’, RMCUE, No. 414, 1998, p. 15 (ci-après: ‘Union Européenne’). La ressemblance est tant institutionnelle11xDu point de vue institutionnel, le parallèle est vite établit entre la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement, le Conseil des ministres et la Commission en tant qu’organes de direction de l’UEMOA et le Conseil européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne. Les compétences de la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UEMOA mises en rapport avec celles du Conseil de l’Union européenne sont édifiantes à plus d’un titre. En effet, aux termes de l’Art. 17 UEMOA la Conférence définit les grandes orientations de la politique de l’Union. L’Art. D du traité sur l’Union européenne (TUE) ne dit rien d’autre puisqu’il stipule que «le Conseil européen donne à l’Union les impulsions nécessaires à son développements et en définit les orientations politiques générales. Le Conseil européen réunit les Chefs d’Etat et Gouvernement ainsi que le président de la commission». A noter cependant que contrairement à l’UE où le Président de la Commission est membre de droit du Conseil européen en vertu du traité sur l’Union européenne, le président de la Commission de l’UEMOA assiste aux rencontres de la Conférence mais en aucun cas le traité n’en fait une obligation pour les Chefs d’Etat et de Gouvernement. Aussi, la Conférence entretien-t-elle un rapport hiérarchique à l’égard des autres institutions dans l’UEMOA et se présente ainsi comme la clé de voute du système alors que tel n’est point le cas du Conseil de l’Union européenne puisqu’il doit présenter un rapport au Parlement européen à la suite de chacune de ses réunions. V.P. Viaud, Union Européenne, supra note 10, p. 15. que matérielle.
      Du point de vue matériel, les deux communautés ont pour objectif la création d’un marché commun basé sur une union économique et monétaire12xPrécisons cependant que si dans l’UE l’Union monétaire s’est faite à posteriori, dans l’UEMOA, elle s’est faite à priori.. En effet, aux termes de l’article 2 du Traité sur l’Union européenne (TUE)13xAvec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, la numérotation et la dénomination des Traités de l’UE a évolué. Le Traité instituant la Communauté européenne (TCE) est devenu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et le Traité sur l’Union européenne (TUE) demeure. Aussi les communautés n’existent plus ayant été substituées par l’Union européenne (voir Art. 1er du TUE). Pour le tableau de concordance voir Journal officielle de l’Union Européenne (JOUE), C 115 du 09 mai 2008, p. 361. «l’Union établit un marché intérieur. Elle œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique». L’article 4 du traité UEMOA va dans le même sens en stipulant que l’Union vise la réalisation d’un marché «commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d’établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi que sur un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune».

      Au regard de toutes ces symétries, il va sans dire qu’il serait fort intéressant d’entreprendre une étude comparative des deux systèmes communautaires. Mais les règles produites par ces deux technostructures fort semblables dans le domaine de l’intégration économique est si gigantesque qu’une comparaison d’ensemble serait difficile voire impossible. C’est pourquoi, plus modestement, il est ici envisager, d’analyser la libre circulation des marchandises, cœur du droit de l’intégration et de la libéralisation des échanges dans l’Union européenne comme dans l’UEMOA. Dans l’UEMOA, la libre circulation des marchandises à travers la suppression des droits de portes et l’ouverture des marchés à la concurrence vise à permettre une allocation optimale des ressources entre les Etats membres et une augmentation subséquente du revenu des contribuables. D’une manière générale, l’intégration économique de par ses objectifs socio-économiques est perçue, avec juste raison par les pays en développement à l’instar de ceux de l’espace UEMOA comme la panacée au problème de développement et de réduction de la pauvreté14xL.M. Ibriga, L’état de la mise en œuvre de l’union douanière dans l’espace UEMOA, in Sensibilisation au droit communautaire de l’UEMOA, Actes du séminaire sous-régional, Ouagadougou Burkina Faso, 6-10 octobre 2003, Paris, 2003, p. 111 (ci-après:‘L’état de la mise’)..

      Mais au regard de la ressemblance tant institutionnelle que matérielle entre les deux institutions communautaires doit-on conclure à un phénomène d’importation normative de la par de l’UEMOA ou de colonialisme règlementaire de la par de l’UE? En d’autres termes, quel est le degré de symétrie entre les deux systèmes de libre circulation des marchandises? Le droit UEMOA de la libre circulation des marchandises décèle-t-il des particularismes? La problématique ainsi mise en exergue est d’une double importance. Elle pose, en effet, d’une part la question de l’impact réel et de l’effectivité de la libre circulation des marchandises dans l’UEMOA. D’autre part, elle soulève la question de l’opportunité et de la pertinence de la libéralisation des échanges, surtout dans l’espace UEMOA.

      Afin de répondre à ces questions nous procéderons par une approche normative en analysant et en comparant les textes fondamentaux des deux organisations d’intégration économique en matière de libre circulation des marchandises en mettant en évidence les différentes approches. Au cœur de cette analyse, on abordera la question du démantèlement des entraves à la libre circulation des marchandises (I).
      Au-delà de l’analyse du cadre théorique et normatif, le travail sera-t-il aussi, et dans un second temps, d’examiner les mécanismes contentieux et la politique d’harmonisation ou d’uniformisation des législations nationales liés à la problématique de mise en œuvre de la libre circulation des marchandises (II).

      I. L’interdiction des entraves à la libre circulation des marchandises dans l’UE et dans l’UEMOA: approche symétrique

      La libre circulation des marchandises est fondamentale.15xC. Gavalda & G. Parleani, Droit des affaires de l’Union Européenne, 6ème éd, Paris, 2010, p. 69 (ci-après: ‘Droit des affaires’). Elle est le socle du marché commun UEMOA et UE. Les actes fondateurs de l’UE et de l’UEMOA visent alors la construction d’un marché commun. Mais qu’est ce qu’un marché commun?
      La notion ne recevait aucune définition tant dans le Traité CE que dans le Traité l’UEMOA. En droit communautaire européen, l’acte unique européen des 17 et 28 Février 1986 préfère le terme de marché intérieur alors que la commission affectionne actuellement le terme de marché unique.16xVoir Communication de la Commission du 20 novembre 2007, doc. COM (2007) 724 final (non publié au JOCE). Dans le Traité de l’UEMOA, il est plutôt question de marché commun. Ainsi, une clarification conceptuelle s’impose. Ces notions sont-elles identiques ou faut-il les distinguer?

      Le marché commun, forme la plus perfectionnée de l’intégration économique consiste en l’élimination entre deux ou plusieurs Etats, des restrictions tarifaires et non tarifaires dans leurs échanges mais aussi l’institution d’une protection commune de leurs rapports commerciaux avec les Etats tiers aboutissant à la création d’un milieu économique homogène où les facteurs de production circulent librement.17xD. Carreau & P. Juillard, Droit international économique, Paris, 2003, p. 21. Pour la CJCE,18xCour de Justice des Communautés Européennes (CJCE), 5 mai 1982, Schul, aff. 15/81, Rec., p. 1409; CJCE, 17 mai 1994, France/Commission, aff. 41/93, Rec., p. 1829. le marché commun, le marché unique et le marché intérieur sont des expressions qui s’appliquent à un processus: le marché commun devrait aboutir à un marché unique, lequel devrait tendre vers un marché intérieur.19xJ. Molinier & N. De Grove-Valdeyron, Droit du marché intérieur européen, 2ème éd, Paris, 2008, p. 14 (ci-après: ‘Droit du marché’). La notion de marché commun est remplacée par celle de marché intérieur par l’article 2 du TFUE.
      La notion de marché intérieur se trouve définie à l’Art. 22bis du TFUE (ancien Art. 14 al. 2 du Traité CE). Aux termes dudit Art. «le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée […]». Strictement entendu, le marché intérieur se limite aux libertés fondamentales. Dans ce contexte de dynamisme conceptuel et sémantique, à quel degré faut-il situer l’UEMOA? En d’autres termes sommes-nous en présence d’un marché commun, d’un marché intérieur ou d’un marché unique?

      La réponse à cette question nécessite qu’on dépasse les termes utilisés dans les différents textes de l’UEMOA afin de rechercher la volonté politique réelle des chefs d’Etat et de gouvernement à travers une analyse de la réalité économique. Les auteurs du Traité de Dakar parlent de marché commun.20xLa section III du Traité de Dakar est intitulée «du marché commun». Les avancés dans le commerce intracommunautaire de l’UEMOA permettent de dire que nous sommes en présence, pour le moment, d’un marché commun. Ces avancés se traduisent par la mise en place effective d’une union douanière et la différenciation de l’espace commercial communautaire par l’institution d’un tarif extérieur commun (TEC). Dans l’UE, seul le terme de marché intérieur a actuellement une portée juridique certaine.21xC’est la terminologie actuellement retenue par les traités. Voir J. Molinier & N. De Grove-Valdeyron, Droit du marché, supra note 19, p. 14. Il y a alors une différence terminologique entre l’UEMOA et l’UE qui traduit une différence de degré d’intégration et de libéralisation des échanges Dans le cadre du présent travail ces deux termes seront utilisés indistinctement.

      En tout état de cause, qu’il soit un marché commun, un marché unique ou un marché intérieur, les organisations d’intégration économique comme l’UE et l’UEMOA ont compris le caractère fondamental de la libre circulation des marchandises. C’est pourquoi ils interdisent toute entrave à l’exercice de cette liberté (B) même si cette interdiction est tempérée par une exception (C).

    • B. Le principe: l’interdiction des obstacles à la libre circulation des marchandises

      L’interdiction des obstacles constitue le cœur de la libre circulation des marchandises. Par obstacle, il faut entendre toute mesure qui empêche, entrave, handicape ou limite l’entrée ou la sortie d’une marchandise dans un Etat membre de la communauté. Les obstacles sont divers. Il est donc nécessaire de les identifier (II) mais il faut au préalable définir les marchandises qui sont protégées en vertu du principe de la libre circulation (I).

      I. L’identification des marchandises protégées

      En droit UE, il faut entendre par marchandise, «les produits appréciables en argent et susceptibles, comme tels, de formé l’objet de transactions commerciales».22xNi le traité CE, ni le traité UEMOA ne définit la notion de marchandise. La CJCE a pallié à cette carence dans son arrêt Commission c/ Italie, 10 décembre 1968, aff. 7/68, Rec., p. 617. Cette définition englobe aussi bien les produits agricoles que les produits industriels. La CJCE23xAvec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne la CJCE est devenue en vertu de l’Art. 9 du TUE la Cour de justice de l’Union européenne. Dans le cadre de la présente communication, nous utiliserons la dénomination CJCE, les arrêts cités étant antérieurs à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. a développé une conception large, pragmatique et mercantile de la notion de marchandise. La libre circulation s’applique aux «produits qui sont originaires des États membres, ainsi qu’aux produits en provenance de pays tiers qui se trouvent en libre pratique dans les États membres».24xArt. 28 TFUE (ancien Art. 23 du Traité CE).

      Une marchandise est originaire d’un Etat membre lorsqu’elle est y entièrement obtenue ou lorsqu’elle y a subit la dernière transformation ou ouvraison substantielle économiquement justifiée.25xRèglement (CEE) No. 802/68 du Conseil du 27 juin 1968, relatif à la définition commune de la notion d’origine des marchandises, JOCE No. L.148, 28 juin 1968, pp. 1 à 5; Art. 24 du code des douanes communautaire Règlement (CEE) No. 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, JO L 302 du 19.10.1992. Cette définition exclue alors les produits issus des «usines tournevis» dont l’activité consiste en de simples opérations d’emballage ou à la présentation du produit sans pour autant créer véritablement un nouveau produit ou entrainer une valeur ajoutée substantielle.26xVoir CJCE, 26 janvier 1977, Gesellschaft für Ueberseehandel c. Handelskammer Hamburg, aff. 49-76, Rec., I, p. 41; C. Gavalda & G. Parleani, Droit des affaires, supra note 15, p. 56.

      En droit UEMOA, il est question de libre circulation des biens à l’Art. 4 et de la libre circulation des marchandises au paragraphe II du titre III du traité. Ces deux termes sont-ils identiques? Le traité ne définit ni la notion de bien ni la notion de marchandise. Le bien est une notion civile alors que la marchandise est une notion purement commerciale. Le bien est toute chose susceptible d’appropriation. Toute marchandise est ainsi un bien mais l’inverse n’est pas toujours vrai. Faut-il conclure que le champ de la libre circulation prévue par le traité UEMOA est plus vaste que ce qui est prévue par le TFUE? Rien n’est sûr. Il s’agit là d’une terminologie alternative qui n’est pas révélatrice d’une véritable différence d’approche du législateur UEMOA.

      En tout état de cause, dans l’UEMOA, pour qu’un produit puisse bénéficier de la libre circulation, il doit être originaire de la communauté et au besoin être agréé. Les produits originaires sont classés en produits du cru, de l’artisanat traditionnel et en produits industriels.

      Aux termes de l’Art. 4 de l’acte additionnel No. IV, sont considérés comme produits du cru originaires des Etats membres de l’UEMOA, les produits du règne animal, minéral et végétal qui n’ont pas subi de transformation à caractère industriel, même s’ils ont subi un apprêt destiné à assurer leur conservation.27xVoir l’Art. 4 de l’acte additionnel No. 04/96, bulletin officiel de l’UEMOA juin 1996; Protocole additionnel No. III/2001 bulletin officiel de l’UEMOA No. 24 quatrième trimestre 2001. Art. 4 de l’acte additionnel No. 04/96 précité. Les produits de l’artisanat sont des articles faits à la main avec ou sans l’aide d’outils, d’instruments ou de dispositifs actionnés directement par l’artisan.28xVoir l’Art. 6 de l’acte additionnel No. 04/96.

      Un produit industriel est originaire de l’UEMOA, et ce depuis le 1er janvier 200329xAvant le 1er janvier 2003, pour qu’un produit industriel puisse être considéré comme originaire, il fallait qu’il ait dans sa composition au moins 60% de matières 1ère de l’Union. Si les matières 1ère proviennent de l’extérieur, il lui fallait une valeur ajoutée au moins égale à 40% du prix ex usine hors taxes. lorsqu’il y est entièrement fabriqué ou lorsqu’il y a fait l’objet d’une ouvraison ou d’une transformation suffisante, à condition que cette transformation ait entraîné soit un changement de classification tarifaire dans la nomenclature tarifaire et statistique soit une valeur ajoutée communautaire supérieure ou égale à 30% du prix de revient ex-usine, hors taxe.30xVoir l’Art. 5 du Protocole additionnel No. III/2001.

      Les produits industriels, en plus de respecter les règles d’origine doivent être agréés pour pouvoir circuler librement. L’agrément est matérialisé par un certificat d’origine accordé par les autorités nationales compétentes. Les décisions d’agrément sont transmises à la commission de l’UEMOA qui exerce un rôle de contrôle et de suivi. Si la simplification de la procédure est à saluer, il faut cependant craindre la délivrance d’agrément de complaisance. A ce jour 2136 produits industriels originaires agréés, fabriqués par 489 entreprises circulent librement dans l’Union31xVoir le site internet de l’UEMOA, disponible à <www.uemoa.int>.. C’est un acquit non négligeable de l’UEMOA. A noter cependant que l’UEMOA n’a pas institué un marquage spécifique comme c’est le cas dans l’UE où le marquage «CE» sur un produit matérialise la conformité du produit aux exigences communautaires incombant au fabricant du produit.32xVoir Décision No. 93/465/CEE du 22 juillet 1993 concernant les modules relatifs aux différentes phases des procédures d'évaluation de la conformité et des règles d'apposition et d'utilisation du marquage «CE» de conformité, destinés à être utilisés dans les directives d'harmonisation technique, JO L 220 du 30 août 1993, COM/93/144-02; modifié par la Règlement No. 765/2008 du 6 février 2008 portant accréditation et surveillance du marché (non publié au JO). Le marquage dans l’UEMOA consiste simplement à l’inscription du numéro d’agrément sur le produit certifié. Le marquage «CE» est motivé par des raisons de santé et de protection des consommateurs. A défaut d’un tel marquage, l’UEMOA pourrait instituer une procédure de contrôle de la qualité des produits qui bénéficient de la libre circulation. Cela permettrait de protéger les consommateurs et de diminuer la circulation des produits contrefaits dans l’espace UEMOA.

      Transpositions de l’Art. III du GATT au plan communautaire, l’Art. 28 du TFUE (ancien alinéa 2 de l’Art. 23 du TCE) dispose que la libre circulation des marchandises bénéficie aussi «aux produits en provenance de pays tiers qui se trouvent en libre pratique dans les États membres». La mise en libre pratique se fait par une déclaration en douane et après perception des droits à l’importation. Une fois mise en libre pratique, la législation communautaire sur la libre circulation des marchandises est applicable aux marchandises importées. Elle confère aux marchandises en provenance d’Etats tiers le statut de marchandises communautaires. Ainsi, une marchandise licitement importée d’un pays tiers, circule en principe librement dans la communauté faisant de l’UE est un espace commercial unique.

      Contrairement à l’UE, l’UEMOA n’applique pas le principe de la libre pratique. Ainsi, une marchandise d’un pays tiers importé dans la communauté supportera le TEC autant de fois qu’elle sera réexportée. Cette exclusion du principe de la libre pratique dans l’UEMOA s’explique par la volonté de lutter contre les détournements de trafic. L’UEMOA n’est donc pas un espace commercial unique. L’absence de libre pratique dans l’UEMOA est un point d’achoppement dans les négociations entre l’UEMOA et l’UE.33xVoir rapport 2008 de la Commission de l’UEMOA sur le fonctionnement et l’évolution de l’union. L’UE estime que l’UEMOA doit instituer une libre pratique pour permettre aux marchandises de circuler librement. L’institution d’une libre pratique aura des avantages économiques certains mais le risque est cependant une concurrence fiscale accrue entre les Etats membres et des détournements de trafics préjudiciables aux Etats à forte pression fiscale. Faut-il pour autant fermer la porte à la libre pratique dans l’UEMOA? La crainte de perdre des recettes fiscales et douanières de la part des Etats membres de l’inter land justifie l’hostilité à la libre pratique dans l’UEMOA. En effet, dans un schéma classique, il est conseillé de percevoir les droits de portes au niveau des bureaux de douanes de prime et abord quitte à les reverser au pays de destination de la marchandise. Si ce schéma à l’avantage de la simplicité dans la perception des droits, il a l’inconvénient de la lourdeur dans le reversement des mêmes droits aux pays destinataires et crée des problèmes de trésorerie sinon des déficits de reversements. Face à cette situation, il serait indique dans le cas de l’UEMOA de prévoir des mesures spécifiques d’accompagnement telle une harmonisation fiscale bien poussée.

      En somme, si dans l’UE, toute marchandise fabriquée ou licitement importée dans la communauté peut circuler librement, dans l’UEMOA, seule les marchandises originaires de l’espace communautaire sont admises à circuler en toute liberté. Pour assurer cette libre circulation, les deux espaces communautaires ont proscrit les obstacles à la réalisation de cette liberté.

      II. L’indentification des obstacles à proscrire

      Les obstacles à la libre circulation des marchandises sont multiples et multiformes. On peut cependant distingués les obstacles tarifaires des obstacles non tarifaires. Mais il faut noter que si ces deux obstacles constituent encore des handicapes pour la libre circulation des marchandises dans l’UEMOA, dans l’UE seuls les obstacles non tarifaires sont encore d’actualité, les obstacles tarifaires ayant été plus ou moins aplanis.

      1. Les obstacles tarifaires

      Les entraves de nature pécuniaire encore appelées obstacles tarifaires selon la terminologie du droit international économique, sont des prélèvements obligatoires. Ces prélèvements consistent en des droits de douane, en des taxes d’effet équivalent à des droits de douane et en des impositions de toute sorte ayant un effet protecteur ou discriminatoire.

      Les droits de douane sont les droits de porte classique perçus par les Etats à l’importation ou à l’exportation de marchandises. L’élimination de ces droits de douane a fait l’objet d’union douanière aussi bien dans l’UE que l’UEMOA et la différenciation des espaces communautaires par l’institution d’un tarif extérieur commun (TEC) ou tarif douanier commun (TDC). Dans l’UE l’union douanière a été réalisée dès le 1er juillet 1968 entre les six Etats fondateurs de la CEE avec dix-huit mois d’avance sur le calendrier initialement prévu.34xSur le droit douanier communautaire européen voir notamment C.J. Berr, ‘Introduction au droit douanier’, Economica 2008, p. 73; J.C. Berr & E. Natarel, ‘Union douanière’, 3 RTD eur 2006, p. 463; ‘Union douanière’, 4 RTD eur 2007, pp. 665-677; Sur le droit douanier UEMOA voir notamment F.-X. Bambara, La réglementation douanière communautaire de l’UEMOA, in Sensibilisation au droit communautaire de l’UEMOA, Actes du séminaire régional sur l’Ordre communautaire de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), Ouagadougou Burkina Faso, 1-5 novembre 2004, pp. 101-116 (ci-après: ‘La réglementation’); L.M. Ibriga, L’état de la mise, supra note 14, pp. 111-124. Dans l’UEMOA, l’union douanière a été établie de façon progressive. En effet, dès 1996, une zone d’échange préférentiel a été mise en place avec un abattement des 30% des droits d’entrée. Ce taux est passé à 60% en 1997, puis 80% en 1999. Au 1er janvier 2000 l’abattement était total faisant de l’UEMOA une union douanière.35xF.-X. Bambara, La réglementation, supra note 34, pp. 101-116.

      Depuis le 1er janvier 1993, il y a eu la suppression des lignes de frontières entre les Etats membres et le repli du service des douanes à l’intérieur des Etats de la communauté européenne. Dans l’UEMOA, les frontières douanières sont maintenues mais on assiste à leur fusion à travers le dispositif de poste de contrôle juxtaposé aux frontières. Si ce maintien se justifie amplement, les procédures de contrôle sont un véritable handicape à la libre circulation des marchandises.

      A l’instar de l’UE, le droit douanier communautaire UEMOA a ses racines dans les instruments internationaux tels les règles de l’OMC.36xVoir dans ce sens l’Art. 28 du TFUE (ancien Art. 23 du traité CE) et l’Art. 77 du traité UEMOA. Aussi, les deux communautés se sont dotées de code des douanes.37xPour l’UEMOA voir le règlement No. 09/2001/CM/UEMOA du 26 novembre 2001 portant adoption du code de douanes de l’UEMOA. Mais si le droit douanier de l’UE fait partir de son histoire, de son acquit, le droit douanier UEMOA est encore en construction. L’union douanière UEMOA est une œuvre largement entamée, mais elle reste une œuvre inachevée.38xL.M. Ibriga, L’état de la mise, supra note 14, pp. 111-124. Les droits de douane sont plus facile à identifier il reste cependant des entraves plus insidieuses qui sont de véritables refuses discrets du protectionnisme étatique.39xL. Dubouis & C. Blumann, Droit matériel de l’Union européenne, 5 éd, Domat, 2009, p. 236 (ci-après: ‘Droit matériel’). L’exemple type en est la taxe d’effet équivalent à des droits de douane.

      La notion de taxes d’effet équivalent n’a été définie ni le traité CE ni par le traité UEMOA. En effet, l’Art. 76 du traité UEMOA et les Arts. 23 et 25 du traité CE interdisent les taxes d’effet équivalent sans pour autant les définir. C’est la CJCE qui, après quelques tâtonnements a défini les taxes d’effet équivalent comme «toute charge, fût elle minime, unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises nationales ou étrangères en raison du fait qu’elles franchissent la frontière, lorsqu’elle n’est pas un droit de douane proprement dit, constitue une taxe d’effet équivalent, alors même qu’elle ne serait pas perçue au profit de l’Etat, qu’elle n’exercerait aucun effet discriminatoire ou protecteur et que le produit imposé ne se trouverait pas en concurrence avec une production nationale».40xCJCE, 1 juillet 1969, commission c/Italie, aff. 24/68, Rec., p. 193; CJCE, 7 juillet 1994, Lamaire NV, aff. 130/93, Rec., p. 3215.
      Ainsi, pour être estimée équivalente à un droit de douane, la taxe doit être une charge pécuniaire, même minime, autre qu’un tarif douanier proprement dit, imposée par un État membre ou par une collectivité compétente de celui-ci même dans un cadre purement interne41xCJCE, 9 septembre 2004, Carbonati Apuani c/ Comune di Carrara, aff. C-72/03, Rec., I-8027; Europe nov. 2004, No. 350, note A. Rigaux; J. Cavallini, ‘Chronique de jurisprudence de la Cour de justice’, RMCUE, No. 491, septembre 2005, p. 535; RDUE, No. 2, 2004, p. 323. et ce, quel que soit son appellation et sa technique. Elles se distinguent des redevances, et des impositions intérieures.42xSur la distinction entre mesures taxes d’effet équivalent à des droits de douanes d’avec les autres catégories de prélèvements, voir J. Molinier & N. De Grove-Valdeyron, Droit du marché, supra note 19, p. 230. Ainsi, un prélèvement est qualifié de taxe d’effet équivalent dès lors qu’elle frappe les marchandises nationales ou étrangères en raison du seul fait qu’elles franchissent la frontière.
      Peu importe qu’elle n’exerce aucun effet discriminatoire ou protecteur. De même, aucune justification sociale, environnementale ou culturelle (ou autres d’ailleurs) ne peut être avancée. L’interdiction des taxes d’effet équivalent est totale. La seule exception concerne la charge pécuniaire qui viserait à la stricte «rémunération d’un service, nettement identifiable et effectivement rendu à l’opérateur économique».43xCJCE, 26 février 1975, W. Cadsky SpA contre Istituto nazionale per il Commercio Estero, aff. 24/68, Rec., p. 281. Elle ne bénéficie pas de mesures dérogatoires à la libre circulation des marchandises.44xVoir infra point B. L’interdiction des taxes d’effet équivalent est absolue, inconditionnelle et objective.45xL. Dubouis & C. Blumann, Droit matériel, supra note 39, p. 262. Une perception indue nécessite alors un remboursement intégral.
      En droit communautaire UEMOA l’Art. 76 du Traité pose le principe de l’élimination de toute taxe d’effet équivalent en vue de la création du marché commun. L’Art. 77 interdit l’introduction de nouvelles taxes d’effet équivalent. Le régime des taxes d’effet équivalent reste cependant à éclaircir. En effet, ni un texte communautaire, ni la jurisprudence n’ont encore, à notre connaissance, exploré cette notion. Les similitudes terminologiques avec le traité CE font penser à une ressemblance sémantique.
      L’interdiction des obstacles tarifaires a pour objectif d’éviter un détournement du pouvoir douanier des Etats membres. Mais les obstacles non tarifaires sont tout aussi redoutables que les droits de douanes.

      2. Les obstacles non tarifaires

      Il est difficile voir impossible de donner une nomenclature des obstacles non tarifaires tant ils sont multiformes. On distingue cependant les restrictions quantitatives (RQ) et les mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives (MEERQ). Aux termes des Arts. 34 et 35 du TFUE (anciens Arts. 28 et 29 du traité CE) et de l’Art. 76 a) du traité UEMOA les RQ et les MEERQ sont interdites tant à l’importation qu’à l’exportation. Les mesures positives ou négatives c’est-à-dire la simple abstention d’un Etat peuvent constituer un RQ ou une MEERQ.46xCJCE, 9 décembre 1997, Commission v. France, aff. C-265/95, Rec., I-6959. Il s’agissait d’une entrave du fait des agriculteurs français manifestant contre l’importation de fruits et légumes d’Espagne. Les MEERQ appellent plus de développements. Les traités UEMOA et CE sont restés laconiques aussi bien sur la notion que sur la physionomie des MEERQ.

      En droit communautaire européen, l’interdiction des MEERQ, est contenue dans l’Art. 34 du TFUE. Comme la notion de taxe d’effet équivalent, celle MEERQ est d’origine jurisprudentielle. En effet, la CJCE les définit dans son célèbre arrêt Dassonville comme «toute règlementation commerciale entre les Etats membres susceptibles d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intra-communautaire».47xSur la notion de mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives voir notamment, CJCE, 11 juillet 1974, Dassonville, aff. 8/74, Rec., p. 834; 24 novembre 1993, Keck et Mithouard, aff. 267 et 268/91, Rec., p. 6097; M.A. Dauses, ‘Mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes’, RTDE, No. 4, 1992, p. 607. Elle s’applique aussi bien aux importations qu’aux exportations. Les mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives sont disparates et difficile à répertorier. On peut citer néanmoins, les mesures qui ont trait aux conditions et aux modalités de vente, qui règlementent les circonstances de temps et de lieu pour la vente d’une marchandise, etc.48xPour un aperçu des différentes mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives, voir J. Molinier & N. De Grove-Valdeyron, Droit du marché, supra note 19, p. 59 et seq. Elles visent essentiellement les contingentements et les quotas. Le livre blanc de la commission européenne en donne une synthèse.49xVoir Livre blanc sur l'achèvement du marché intérieur de la Commission du 14 juin 1985. En réalité il existe trois catégories de MEERQ que sont: les mesures ouvertement discriminatoires qui ne visent que les produits importés à partir d’un autre Etat membre; les mesures en apparence indistinctement applicable mais qui sont en réalité des discriminations déguisées, et les mesures indistinctement applicables mais non justifiées par des raisons d’intérêt général.

      La définition large de la notion de MEERQ permet d’appréhender «l’ensemble des interventions étatiques, dissimulées dans les règlementations les plus disparates qui, sous le couvert d’un voile de légitimité, comportent souvent des effets restrictifs pour la libre circulations des marchandises […]».50xA. Mattera, ‘Libre circulation des marchandises et Arts. 30 à 36 du traité CEE’, RMC 1976, p. 500.

      Dans l’UEMOA les mesures d’effet équivalent sont tout aussi diverses. Elles sont interdites par l’Art. 76 a) du traité. Dans son rapport annuel 2008 sur le fonctionnement de l’Union, la commission de l’UEMOA énumères des entraves non tarifaires constitutives aussi bien de taxes d’effet équivalent à des droits de douane que de MEERQ tels des obstacles techniques et administratifs imposés aux produits communautaires, les formalités d’inspection avant embarquement, l’imposition de quantités minimales à importer, la subordination de l’importation de produits originaires à l’achat de produits nationaux, la rétention de déclarations préalables d’importation. Il y a également des obstacles physiques constitutifs de MEERQ tels que les escortes, les prélèvements indus et la multiplicité des barrages le long des corridors de l’Union. En effet, les perceptions illicites, les longs retards dus aux multiples contrôles sur les corridors sont le cœur des obstacles à la libre circulation des marchandises dans l’UEMOA. Il n’y a pourtant pires obstacles à la libre circulation des marchandises que le temps. S’il est vrai que «le destin ordinaire des lois est d’être distancée par les pratiques»51xD. Abarchi, ‘Problématique des réformes en Afrique: le mimétisme juridique comme méthode de construction du droit’, Revue Penant, No. 842, 2003, pp. 88-105 (ci-après: ‘Problématique des réformes’)., il est aussi vrai que dans l’UEMOA, la pratique de la libre circulation des marchandises est bien loin du cadre réglementaire communautaire. La réalité n’offre qu’entraves et tracasseries de tout genre.52xVoir notamment le huitième rapport de l’Observatoire des Pratiques Anormales, publié le 8 septembre 2009; voir aussi 4402 le Pays du 7 juillet 2009, p. 8. Pour lutter contre ces restrictions, la commission de l’UEMOA en collaboration avec la CEDEAO a mis en place un Observatoire des Pratiques Anormales (OPA) sur les axes routiers inter-états, pour suivre et mettre à nu les dysfonctionnements du système de transport et de transit en vue de la prise de mesures correctives s’inscrivant dans le sens de la lutte contre les pratiques constitutives de mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives sinon même d’obstacles tarifaires. Des actions doivent être menées surtout en directions des Etats membres pour une levée des multiples postes de contrôle et abolir les diverses perceptions illicites. Aussi, la commission doit-elle mettre en œuvre l’action en manquement des Arts. 5, 6 et 7 du protocole additionnel No. I à l’encontre des Etats qui ne respecteraient pas les prescriptions communautaires. Il faut noter à cet effet que, la construction communautaire ne peut se faire en dehors du droit et du contentieux et les sanctions sont plus efficaces que les discours politiques. L’UEMOA gagnerait à renforcer le mécanisme du recours en manquement en le rendent plus contraignant. De plus, la sensibilisation des acteurs économiques sur leurs droits n’est pas à négliger. L’ignorance est un bonus à la corruption et aux tracasseries policières, douanières et routières de tout genre. La commission doit alors agir directement auprès des opérateurs économiques en les sensibilisant. Il n’y a personne mieux placer pour défendre un droit que le titulaire du droit lui-même.

    • C. L’exception: l’admission d’obstacles à la libre circulation des marchandises

      Le principe de la libre circulation des marchandises comme toute règle de droit souffre de quelques exceptions. Ces exceptions sont prévues par les traités CE et UEMOA. Il est nécessaire de les identifier avant de déterminer leur régime juridique.

      I. Identification des obstacles à admettre

      Aux termes de l’Art. 79 du traité UEMOA un Etat membre peut restreindre ou interdire l’importation, l’exportation ou le transit d’une marchandise sur son territoire pour des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé ou de la vie des personnes et des animaux, de préservation de l’environnement, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique et de protection de la propriété industrielle et commerciale. Ces motifs de restriction à la libre circulation sont limitativement énumérés. De plus, le traité laisse une faculté aux Etats membres d’invoquer ces motifs ou non pour restreindre la libre circulation des marchandises.

      Cette disposition est une reprise mot pour mot de l’Art. 36 du TFUE (ancien Art. 30 du Traité CE). Mais quelles peuvent être les justifications ou les motivations d’une telle reprise? En effet, «l’Afrique de l’ouest n’est pas l’Europe de l’ouest»53xVoir M. Sossouvi, La libre circulation des marchandises et des capitaux dans la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à travers l’expérience de la Communauté Economique européenne (CEE), Thèse, 1989, p. 18. et deux systèmes économiques fort dissemblable ne sauraient s’accommoder des mêmes règles. En effet, même si les restrictions s’opèrent sous la surveillance de la commission de l’UEMOA, il faut craindre que les Etats membres ne soient tenter d’en faire un usage étendu au regard de la liste des domaines énumérés. Le risque est d’autant plus réel que le régime des justifications des restrictions n’a pas encore été précisé dans l’UEMOA comme c’est le cas dans l’UE.

      1. Justification des obstacles à admettre: le test de l’intérêt général

      Les traités UEMOA et UE ne fixent pas le régime juridique des justifications des obstacles à la libre circulation des marchandises. Mais en tant qu’exception ils doivent être interprétés de façon stricte puisqu’ils portent atteinte à une liberté communautaire fondamentale. Pour qu’une mesure soit acceptée elle doit aussi réussir un double test de nécessité et de proportionnalité. La proportionnalité s’apprécie au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivie par la mesure en cause. Cet intérêt général comporte une double dimension. D’une part, l’ingérence n’est permise que si le secteur d’activité en question nécessite une organisation ou une intervention étatique. C’est le test de la nécessité. D’autre part, l’ingérence ne peut consister en une mesure de nature générale, ni même porter une atteinte excessive à la libre circulation des marchandises. La mesure doit être particulière. C’est le test de proportionnalité. Entre deux mesures restrictives, la moins contraignante pour les bénéficiaires de la libre circulation des marchandises gagne la faveur de la CJCE. En somme, pour être justifiée, la législation en cause ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi. Un Etat membre qui adopte une législation restrictive de la libre circulation des marchandises doit démontrer la nécessite de la mesure restrictive ainsi que son adéquation avec l’objectif poursuivi.

      Dans l’UEMOA, si les Etats sont tenus en vertu de l’Art. 79 du traité de communiquer les mesures restrictives maintenues, il n’est pas fait état d’une quelconque obligation de justification de ces mesures. Aussi, le traité ne fait pas mentions des mesures qui pourraient être ultérieurement adoptées par les Etats membres, encore moins de la nature des restrictions admises. En effet, contrairement à l’Art. 36 du TFUE qui limite les atteintes à la libre circulation des marchandises aux seules restrictions quantitatives et aux MEERQ prévues aux Arts. 34 et 35 du même traité, le traité UEMOA est muet sur le champ d’application des mesures restrictive de l’Art. 79. En cette période de crise économique où les Etats sont tenter par les mesures protectionnistes de tout genre, il serait indiqué de définir un régime adéquat pour les dérogations au principe de la libre circulation des marchandises dans l’UEMOA.

      II. La mise en œuvre de la libre circulation des marchandises dans l’UEMOA et dans l’UE: asymétrie d’approche

      «Si les marchandises ne franchissent pas les frontières, les soldats le feront».54xR. Gardner, Sterling-Dollar Diplomacy, the Origins and the Prospects of our International Economic Order, New York, 1969, p. 9. Si cette assertion fut véridique à une certaine époque pour la Communauté européenne, relativisons et disons que dans le cadre de l’UEMOA si les marchandises ne franchissent pas les frontières, la pauvreté le fera ou même le fait déjà. La libre circulation des marchandises est pourvoyeuse de richesse. L’UEMOA a bien comprise cette vérité; c’est pourquoi elle s’efforce de faire de cette liberté, une réalité communautaire. La réalisation de l’intégration économique passe nécessairement par l’effectivité des libertés communautaires dont la libre circulation des marchandises. Mais la rigueur des mesures répressives qui ont le plus souvent un caractère curatif ne suffit pas à éliminer les obstacles à la libre circulation des marchandises. Des mesures préventives ont été mises en place aussi bien dans le traité UEMOA que dans le traité CE et consiste en un rapprochement des législations des Etats membres. En effet, conscient que la libre circulation des marchandises ne peut se réaliser que dans un cadre juridique saint, l’UE et l’UEMOA ont prévu des politiques d’accompagnement parmi lesquelles le rapprochement des législations nationales. Le champ d’application couvert par l’harmonisation est bien vaste mais c’est le domaine fiscal qui présente un intérêt certain au regard de la libre circulation des marchandises. Les techniques déployées ça et là divergent cependant.

    • D. Les techniques d’harmonisation dans l’UEMOA et dans l’UE en matière de libre circulation des marchandises

      Dans son livre blanc sur l’achèvement du marché intérieur européen,55xVoir Livre blanc sur l’achèvement du marché intérieur du 14 juin 1985. la commission de l’Union européenne ne préconisait pas moins de trois cents mesures dont au moins trois-quarts concernaient la libre circulation des marchandises. Ce document marque un tournant décisif dans le rapprochement des législations nationales puisqu’il préconise une nouvelle approche des modalités et des méthodes d’harmonisation. En effet, la Commission, sur la base de l’Art. 36 du TFUE (ancien Art. 30 du Traité CE) qui interdit les entraves techniques, avait mis en place un programme d’élimination de ces entraves. Ce programme consistait en l’adoption de plus de cent cinquante directives par le Conseil pour éliminer les entraves techniques à la libre circulation des marchandises résultant de la disparité des prescriptions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres. Ces directives qui se voulaient très détaillées harmonisaient les dispositions nationales relatives à un produit (harmonisation verticale) ou à un groupe de produit (harmonisation horizontale). De longs mois de négociation bloquèrent le processus et les textes ne donnèrent pas les résultats escomptés. Comme à l’accoutumé, c’est la CJCE qui débloqua la machine communautaire européenne dans la célèbre affaire cassis de Dijon.56xCJCE, 20 février 1979, Rewe-zentral AG c. Bundesmonopolverwaltung für Branntwein-Q. P. Hessisches Finanzgericht dit “Cassis de Dijon”, Aff. 120/78, Rec., p. 649. En effet, répondant à une question préjudicielle du Finanzgericht du land de Hessen, la Cour intégra les entraves techniques aux MEERQ et conclue que l’harmonisation n’est pas un préalable à la libre circulation des marchandises.

      Les suites de l’arrêt Cassis de Dijon a consisté à un allégement normatif.57xVoir communication de la commission sur les suites de l’arrêt rendu par la Cour de Justice des Communautés européennes Journal officiel No. C 256 du 3 octobre 1980, p. 2 et seq. La commission généralisa le principe d’équivalence et de reconnaissance mutuelle réduisant ainsi le champ d’application de l’harmonisation des prescriptions nationales comme une peau de chagrin. L’harmonisation se cantonne depuis lors aux principes et exigences essentielles telles la protection de la santé, de la sécurité, de l’environnement et des consommateurs, le reste étant renvoyé aux normes élaborées par les organismes européens et internationaux de normalisation. La normalisation devient alors un complément de la règlementation et intègre de ce fait les opérateurs économiques dans le circuit communautaire de l’harmonisation technique. C’est la méthode dite «nouvelle approche» mise en place dans l’Union européenne.

      Dans l’UEMOA, l’harmonisation relève d’un domaine concurrent. En effet, aux termes de l’Art. 60 du Traité de Dakar, la Conférence établit les principes directeurs et identifie les domaines prioritaires d’harmonisation. Il revient ensuite au Conseil, sur proposition de la Commission d’adopter les directives ou les règlements58xVoir l’avis No. 001/1997 de la Cour de justice UEMOA du 20 mai 1997. nécessaires à l’harmonisation.59xArt. 61 UEMOA. Comme dans l’UE, la Commission a le monopole de l’initiative. Mais cette initiative est suspendue à l’intervention préalable de la Conférence pour la définition du domaine d’harmonisation. Dans l’UEMOA l’opportunité du recours à la directive ou règlement est à l’appréciation des institutions communautaires contrairement à l’UE qui a longtemps privilégié la directive pour l’harmonisation. Mais il faut noter que l’Art. 114 du TFUE (ancien Art. 95 nouveau du traité CE) permet le recours aussi au règlement comme voie d’harmonisation.60xL’emploi du terme «mesures» suppose un libre choix de l’acte par le législateur. La CJCE a confirmé cette analyse dans l’arrêt, CJCE, Royaume-Uni c/Parlement européen et Conseil 6 décembre 2005, aff. C-66/04, Rec., I-10555, Europe No. 30.

      Contrairement à l’UE qui avait privilégié l’unanimité comme mode d’harmonisation, les auteurs du traité de Dakar ont choisi la voie souple de la majorité de 2/3.61xVoir Art. 61 UEMOA. Il faut cependant noter l’absence du comité parlementaire UEMOA dans le processus d’harmonisation contrairement à l’UE où l’organe parlementaire joue un rôle de codécideur avec le Conseil.
      Ainsi, l’UEMOA préfère édicter des règles pour l’harmonisation c’est-à-dire le recours aux règles qui seront transposées (directives) ou appliquées directement dans les systèmes juridique des Etats membres (règlements). Le principe d’équivalence et de reconnaissance mutuelle est pourtant prévu par l’Art. 76 e) et l’Art. 80 du traité. Le manque d’esprit contentieux des opérateurs économiques conjugué aux pratiques non juridiques (tels les arrangements hors du droit) induisant une faible moisson jurisprudentielle au sein de la communauté ne militent pas en faveur du rapprochement des législations nationales type nouvelle approche qui est une voie contentieuse d’harmonisation. En effet, le droit de l’UEMOA reste l’apanage de quelques juristes. Comme disait Copernic, «les mathématiques sont écrites pour les mathématiciens». Dans l’UEMOA, le droit semble être écrit pour les juristes et l’analphabétisme de la population aidant, «les prolétaires du savoir vont rarement aux textes».62xJ. Koutaba, Les limites sociologiques à l’application du droit, in Sensibilisation au droit communautaire de l’UEMOA: actes du séminaire sous-régional des 6-10 octobre, Ouagadougou Burkina Faso, 2003, p. 201. Ce sont là des limites sociologiques à la logique d’intégration UEMOA en générale et à l’effectivité de la libre circulation des marchandises en particulier.

      L’harmonisation est nécessaire pour réduire les distorsions à la libre circulation des marchandises induites par les législations nationales différentes. Certains domaines tels la fiscalité méritent une attention particulière au regard de leur caractère potentiellement handicapant pour la libre circulation des marchandises.

    • E. L’harmonisation des règles fiscales: la portée fiscale de la libre circulation des marchandises

      La libre circulation des marchandises serait une liberté vaine si les Etats membres pouvaient instituer des impositions intérieures discriminatoires au détriment des produits importés. La fiscalité constitue, si on n’y prend garde un véritable obstacle à la réalisation de la libre circulation des marchandises. L’achèvement du marché commun réside alors dans un rapprochement des législations fiscales. Le contentieux de la libre circulation des marchandises y pourvoi également.

      I. Le rapprochement des législations fiscales

      En matière de fiscalité, domaine régalien par excellence et dernier bastion de la souveraineté des Etats membres, il est fait usage aussi bien dans l’UE que dans l’UEMOA63xVoir Art. 4 (e) UEMOA. du principe de subsidiarité. Ce principe postule que les instances communautaires «n’interviennent, que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire».64xVoir notamment l’Art. 5 du traité CE; L. Dubouis & C. Blumann, Droit matériel, supra note 39, p. 323.

      Ainsi, le Traité CE d’alors et le TFUE ainsi que le Traité UEMOA n’amputent pas totalement les Etats membres de leur souveraineté fiscale. En effet, le traité CE, reconnait aux Etats membres de l’UE une réserve de compétence fiscale. L’exercice de cette souveraineté ne saurait pourtant porter atteinte à la libre circulation des marchandises. En effet, «les auteurs du traité ont été conscient, dès le départ, de la nécessité de prévoir quelques dispositions dans cette matière».65xD. Calleja, D. Vignier & R. Wägenbaur, Dispositions fiscales-rapprochement des législations, in J. Megret, le droit de CEE, 2ème éd, 1993, p. 3. Ainsi, la Communauté qui se veut une communauté économique selon ses pères fondateurs66xC. Blumann & L. Dubouis, Droit Institutionnel de l’Union européenne, 2ème éd, p. 1 et seq. n’est pas restée totalement étrangère à la fiscalité. Potentiellement, le traité contenait des dispositions permettant d’intervenir dans le domaine fiscal. Le principe de la neutralité fiscale n’a cependant pas effacé les frontières fiscales dans la communauté. Il est vite apparu que les Etats pouvaient remplacer les barrières douanières par un impôt à la consommation et réduire ainsi à néant la volonté de construction d’un marché commun. Il fallait donc que les impôts indirects notamment les taxes sur le chiffre d’affaires ne mettent pas à mal la neutralité fiscale. La nécessité d’une harmonisation s’est donc très tôt imposée.

      Les impôts indirects furent harmonisés plus facilement. En effet, dès 1967, deux directives67xDirective du 14 Avril 1967 No. 67/227, JOCE No. 71, 14 Avril 1967, pp. 1301 et 1303. du Conseil sur proposition de la Commission jetèrent les bases de l’harmonisation de la TVA. Ces deux directives seront suivies par une troisième adoptée en 196968xDirective No. 69/463/CEE, JOCE L 320 du 20 Décembre 1969, p. 34. qui introduit le système de TVA communautaire dans les systèmes fiscaux nationaux. Plusieurs autres directives complétèrent ce tableau.69xDirective du 17 Mai 1977 No. 77/388/CEE, dite sixième directive TVA, JOCE L 145 du 13 Juin 1977, p. 1. Directive 2004/7, JO L 27, du 30 Janvier 2004. Après la TVA, les droits d’accises en tant que taxes spéciales à la consommation furent aussi harmonisés.70xLes droits d’accises ont été harmonisés par la directive 92/12, JO l 76, du 23 Mars 1992 et le directive 2004/106, JO L 359, du 4 Décembre 2004.

      Contrairement aux impôts indirects, les impôts directs ne furent pas harmonisés. A l’exception de l’Art. 87 (ex-Art. 92) du Traité CE qui interdit les aides d’Etats en matière fiscale, le traité est muet sur la question car leur harmonisation ne paraissait pas indispensable. Mais il est apparu peu à peu que pour donner plein effet aux libertés communautaires, il fallait un minimum d’harmonisation des impôts directs. Le traité reconnaît compétence au Conseil dans ce domaine pour adopter des directives si nécessaire.

      C’est ainsi que l’Art. 90 du même traité prohibe les impositions intérieures discriminatoires ou protectrices. Un Etat membre ne saurait frapper les produits d’un autre Etat membre qui sont similaires aux produits légalement commercialisés sur son territoire d’imposition supérieure ou de nature protectionniste. Par imposition supérieure, il faut entendre l’application d’un taux plus élevée, la définition d’une assiette plus importante ou l’application de sanctions fiscales plus lourdes. Cette interdiction s’applique également aux produits se trouvant en libre pratique dans la communauté. L’objectif est d’arriver à instituer une neutralité fiscale des impositions intérieures afin de mettre en concurrence les produits nationaux et les produits importés.

      Dans l’UEMOA, les dispositions du traité ne sont pas assez prolixes sur la fiscalité et c’est de bonne guère. Exception faite de l’Art. 4 e) qui prévoit l’harmonisation si nécessaire de la fiscalité; le traité est muet sur le pouvoir fiscal des Etats membres en matière de libre circulation des marchandises. Pas même une disposition communautaire général du traité type Art. 90 du traité CE n’est prévue. Mais est ce à dire que le système de la libre circulation des marchandises UEMOA est fiscalement vulnérable? La réponse est absolument négative. En effet, le traité a doté les institutions communautaires d’instruments juridiques pour faire face à un éventuel détournement du pouvoir fiscal des Etats membres.
      Conscient de la portée de la fiscalité sur la réalisation du marché commun, les auteurs du Traité UEMOA ont prévu l’harmonisation des politiques fiscales. En effet, aux termes de l’Art. 65 (3) §1 «les Etats membres harmonisent leurs politiques fiscales, selon la procédure prévue aux articles 60 et 61, pour réduire les disparités excessives prévalant dans la structure et l’importance de leurs prélèvements fiscaux». Contrairement à l’UE l’harmonisation des règles fiscales dans l’UEMOA se fait à la majorité qualifiée. Cela mérite d’être relever car un Etat membre pourrait voir sa fiscalité modifiée sans son consentement alors que dans l’UE l’unanimité est encore requise pour l’harmonisation de la fiscalité.71xVoir Art. 113 du TFUE (ancien Art. 93 du traité CE).
      Aussi l’Art. 79 du traité UEMOA interdit toute discrimination arbitraire et les restrictions déguisées. Nonobstant le fait que cette disposition ne concerne pas spécifiquement la libre circulation des marchandises, elle peut y recevoir une application. Ainsi, les Etats membres restent libres de leur pratique fiscale à condition cependant de se conformer au principe de non discrimination. Un pan entier de la fiscalité a déjà été harmonisé dans l’UEMOA. Il en est ainsi de la fiscalité indirecte telle la TVA72xVoir directive No. 02/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant harmonisation des législations des Etats membres en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA). et les droits d’accises.73xVoir directive No. 03/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant harmonisation des législations des Etats membres en matière de Droits d’accises.
      Plus récemment l’UEMOA met en œuvre une politique fiscale de développement, centrée autour d’un programme d’harmonisation de la fiscalité directe intérieure.74xVoir A. Faustin, BOCCO, Politique commerciale commune et rôle de l’UEMOA dans les négociations commerciales, in Rencontre communautaire d’échange sur «la politique commerciale commune de l’UEMOA et les négociations commerciales», Bamako, 13 au 15 février 2007. Il y a une harmonisation au niveau de l’UEMOA sur les modalités de détermination du résultat imposable des personnes morales.75xVoir directive No. 01/2008/CM/UEMOA du 28 mars 2008 portant harmonisation des modalités de détermination des modalités de détermination du résultat imposable des personnes morales au sein de l’UEMOA. Il faut cependant déplorer que cette harmonisation se limite aux personnes morales quant on sait que les commerçants personnes physiques sont en nombre plus importants. Mais cette exclusion peut se justifier par le caractère souvent informel des activités individuelles et témoigne de la méfiance des autorités UEMOA à l’égard de ce genre d’exploitation. Il y a aussi une harmonisation des taux d’imposition des bénéfices. Le taux maximum est de 30%. L’UEMOA s’est dotée également d’une convention fiscale visant à éviter les doubles impositions,76xVoir règlement No. 08/CM/UEMOA du 26 septembre 2008 portant adoption des règles visant à éviter les doubles impositions au sein de l’UEMOA et des règles d’assistance en matière fiscale. Ce règlement est entré en vigueur le 1er janvier 2009 et peut donc être invoqué par les contribuables de l’Union. toute chose qui aura un effet bénéfique sur les échanges entre les Etats membres.

      Le juge communautaire participe à cette œuvre législative communautaire d’harmonisation à travers le contentieux de la libre circulation des marchandises à lui soumis.

      II. Le contentieux de la libre circulation des marchandises

      Un droit, sans un droit d’action en justice est une coquille vide. La libre circulation des marchandises, liberté communautaire reconnue aux opérateurs économiques, ne peut se réaliser sans une protection adéquate aussi bien de la justice que des autorités communautaires. Mais peut-on agir en justice contre un Etat pour non respect de la libre circulation des marchandises? Une telle question pose le problème des contrôles communautaires et des voies de recours offertes aux justiciables en vertu du principe de la libre circulation des marchandises.

      La libre circulation des marchandises a un effet self-executing c’est-à-dire qu’elle complète le patrimoine juridique des ressortissants communautaire selon D. Simon.77xD. Simon, Le système juridique communautaire, 3ème éd, Paris, 2001, p. 387. Cet effet qui s’attache à toute règle supranationale a été dégagé par la CJCE dans son célèbre arrêt Van Gend en Loos de 1963.78xCJCE, 5 Février 1963, van Gend en Loos, 26/62, p. 1- G.A., T. 1, No. 29. La libre circulation des marchandises est alors invocable devant les juridictions nationales par ses bénéficiaires. Aucune restriction ne peut être opposée à l’exercice de ce droit.79xCJCE, 21 Juin 1974, Jean Reyners c/Etat Belge, aff. 2-74, Rec., p. 631. Dans l’UEMOA, le contentieux de la libre circulation des marchandises suit les canaux classiques du contentieux communautaire. Ainsi, le protocole additionnel N I relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA prévoit à son Art. 12 que la Cour de justice UEMOA peut être saisie sur renvoi préjudiciel d’une juridiction nationale. Les recours préjudiciels dans l’UEMOA sont cependant rares. Aux termes de l’Art. 5 du même protocole la Cour de Justice connaît, sur recours de la Commission ou de tout Etat membre, des manquements des Etats membres aux obligations qui leur incombent en vertu du Traité de l’Union. Cette procédure peut certes être utilisée en matière de manquement à la libre circulation des marchandises mais on sait que les Etats ne sont pas enclins à se faire des procès en atteste l’expérience européenne. Aussi, la procédure en manquement dans l’UEMOA n’est pas contraignante vis-à-vis des Etats. On a là une procédure de coopération plus qu’une procédure judiciaire à proprement parlé.80xVoir Art. 6 du protocole.

      En somme, le contentieux de la libéralisation des échanges qui a alimenté et développé le droit UE de la libre circulation des marchandises est encore embryonnaire dans l’UE dû au faible recours soumis à la Cour de justice UEMOA.

    • F. Conclusion

      Peut-on vraiment conclure sur un tel thème dont l’actualité est patente et son devenir plein de sens pour le système économique mondial dans son ensemble. En effet, la libre circulation des marchandises déborde largement le cadre communautaire UEMOA et UE et pose la question de la pertinence de la libéralisation des échanges, cœur du système commercial et économique mondial actuellement en crise. Portée actuellement au plan mondial par l’OMC, la libre circulation des marchandises remet au goût du jour le vaste débat qui a toujours divisé et passionné des générations d’économistes et relayé actuellement par les différents mouvements altermondialistes à savoir lequel du libre échange et du protectionnisme est le meilleur système commercial.

      L’UEMOA est résolument tournée vers l’ouverture des marchés dans un cadre régional. Elle doit cependant éviter le mimétisme systématique voir aveugle, le déjà existant, le déjà fait. Le droit matériel européen ne doit pas être perçu comme du prêt-à-porter pour l’UEMOA. Il est certes vrai que les relations juridiques entre les agents économiques tendent vers la mondialisation et une symbiose dans le monde des affaires permettrait aux opérateurs économiques des deux espaces communautaires de ne pas être juridiquement dépaysés lorsqu’ils changeront de cadre géographique.81xD. Abarchi, Problématique des réformes, supra note 51, pp. 88-105. Mais l’UEMOA doit faire une importation-reconditionnement des produits juridiques UE pour tenir compte de la spécificité de son marché commun car «emprunter […] aux expériences occidentales et la transposer aux républiques africaines d’expression française, c’est méconnaitre la réalité».82xF. Perroux, l’économie des jeunes nations, Paris, 1962, p. 168, cité par L.M. Ibriga, L’état de la mise, supra note 14, p. 111. Nos droits nationaux de l’espace UEMOA ont une parenté avec le droit français, il faut éviter d’établir une filiation symétrique entre le droit UEMOA et le droit UE. Des adaptations du système communautaire UEMOA de la libre circulation des marchandises sont nécessaires pour tenir compte des spécificités de l’espace communautaire. En effet, les courants commerciaux sont très loin du modèle européen. Dans l’UE, il est question d’une bonne utilisation, d’une bonne répartition des ressources disponibles alors que dans l’UEMOA le problème est justement le développement de ces ressources.83xA. Watteyne, ‘Une intégration économique africaine à l’image de l’intégration économique européenne: le cas de l’UEMOA’, Revue burkinabé de droit, No. 39-40, 2001, p. 83 et seq.

      Relevons cependant au crédit de l’UEMOA que les règles de l’UE sont acceptées sous bénéfice d’inventaire. Il en est ainsi de la libre pratique toujours en souffrance. Aussi, la commission doit-elle impliquer davantage les acteurs de la société civile dans son action. Il y a un manque de préparation des acteurs économiques à la libéralisation des échanges. N’est pas ce qui fait le plus peur dans processus d’intégration de l’UEMOA.84xL.M. Ibriga, A.S. Coulibaly & D. Sanou, ‘droit communautaire ouest-africain’, Collection Précis de droit burkinabè 2008, p. 197 (ci-après: ‘Droit communautaire’). Sans exclure des emprunts, l’UEMOA doit chercher sa propre voie même s’ils empruntent au passage les chemins déjà foulés par l’UE. Le but ultime est d’arriver à sortir l’espace ouest africain de la pauvreté.

      L’UEMOA doit aussi travailler à réduire la distance entre les résolutions et les faits. En effet, les Etats n’hésitent pas à marginaliser le droit de la libre circulation des marchandises surtout lorsqu’il entraine des pertes en recettes budgétaires. L’absence de vie judiciaire suffisante au sein de l’UEMOA en est la cause principale. La commission doit alors veiller à ce que le droit Communautaire déploie tous ces effets (primauté, applicabilité directe et immédiate) dans toute l’espace UEMOA. Cela permettra également à la juridiction communautaire de jouer sa partition dans la construction de l’espace communautaire car dans l’UE là où les politiques hésitaient, la CJCE tranchait et le machine communautaire européen prenait de l’avance.

      En tout état de cause, le renforcement du marché commun est une condition sine qua non au développement économique. Les Etats de l’espace UEMOA semblent avoir compris que «La voix d’un seul Etat est aujourd’hui inaudible».85xVoir Rapport sur l’Union européenne du premier ministre Belge cité par E. Cerexhe, in préface de L.M. Ibriga, A.S. Coulibaly & D. Sanou, droit communautaire, supra note 84, p. 1.

    Noten

    • 1 «Nous ne pouvons sentir que par comparaison. Quiconque connaît Andromaque ou Phèdre sentira mieux ce qu’est le génie français en lisant Le Songe d’une Nuit d’Eté qu’en lisant toutes les autres tragédies de Racine. Le génie Grec sera mieux compris par l’opposition d’une statue grecque à une statue égyptienne ou asiatique, que par la connaissance de cent statues grecques», A. Malraux, in La peinture de Galanis, OCIV, p. 1170.

    • 2 E. Kant, Projet de paix perpétuelle (1795), Paris, 2002, p. 81.

    • 3 Il s’agit principalement de l’Organisation des Nations Unies (ONU). En effet, contrairement à la SDN, sa devancière, l’ONU est favorable au régionalisme. Son Art. 53 donne mission aux organisations régionales de régler pacifiquement les différents entre leurs Etats membres. Il s’agit là d’une véritable reconnaissance aux Etats membres par l’ONU d’un droit au régionalisme.

    • 4 La Déclaration du 9 mai 1950 de R. Schuman préconise la mise en commun des intérêts économiques en créant «des solidarités de fait» afin que, progressivement et par un effet d’entraînement, cette politique des petits pas débouche sur une union économique. Voir F. Hervouet, ‘Démarche communautaire et construction européenne’, Colloque CEDECE de Poitiers, Doc. Fr., 2002; Le marché commun, Rev. éco. Politique, No. spécial, mars 1958; J. Timbergen, International Economic Integration, Amsterdam, 1965.

    • 5 La Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) a été instituée entre six Etats de l’Europe de l’Ouest. Il s’agit de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et du Benelux (Belgique, Nederland, Luxembourg). Conclue pour une durée de cinquante ans, elle a disparu en juillet 2002.

    • 6 Le 25 mars 1957 sont été signés à Rome, entre les Etats membres de la CECA, deux traités portant création de deux nouvelles communautés: la Communauté Européenne de l’Energie Atomique (CEEA ou EUROTOM) et de la Communauté Economique Européenne (CEE).

    • 7 On peut citer à cet égard le Conseil de l’Entente (30 mai 1959), l’Union Douanière de l’Afrique de l’Ouest: (UDAO) (1959-1966), l’Union Douanière des Etats de l’Afrique de l’Ouest: (UDEAO) (1966-1973), la Communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest: CEAO (1966-1994), la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest: (CEDEAO) (1975). Voir E. Cerexhe & L. le Hardy de Beaulieu, Introduction à l’Union économique ouest africaine, 1997, p. 16 et seq.; L.M. Ibriga, ‘L’UEMOA, une nouvelle approche de l’intégration économique régionale en Afrique de l’ouest’, 6 Annuaire africain de droit international 1998, pp. 23-64; D.B. Ba, Le problème de la compatibilité entre l’UEMOA et l’OHADA, in La libéralisation de l’économie dans le cadre de l’intégration régionale: le cas de l’UEMOA, Actes du colloque de Ouagadougou des 16 et 17 décembre 1999, p. 157 et seq. (ci-après: ‘Le problème de la compatibilité’).

    • 8 D.B. Ba, Le problème de la compatibilité, supra note 7, p. 157 et seq.

    • 9 L’intégration juridique menée par l’UEMOA se trouve cependant de plus en plus, et selon le mot de J. Issa-Sayegh: «en concours voir en concurrence avec celui d’autres organisations internationales chargées de la même mission dans les mêmes domaines juridiques». Il s’agit de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI), de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurance (CIMA), de la Conférence Interafricaine de PréVoirance Sociale (CIPRES), de l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (OHADA) et de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Pour ce qui est du conflit de normes entre l’UEMOA et l’OHADA voir D. B. Ba, Le problème de la compatibilité, supra note 7, p. 157 et seq.; pour le conflit de normes entre l’UEMOA et la CEDEAO voir L. M. Ibriga, Le problème de la compatibilité entre l’UEMOA et la CEDEAO, in La libéralisation de l’économie dans le cadre de l’intégration régionale: le cas de l’UEMOA, pp. 197-227.

    • 10 J. Issa Sayegh, L’ordre juridique de l’UEMOA et l’intégration juridique africaine, in mélanges J.C. Gautron, Les dynamiques du droit européen en début de siècle, Paris, 2004, p. 804 et seq.; P. Viaud, ‘Union européenne et Union économique et monétaire de l’Ouest africain’, RMCUE, No. 414, 1998, p. 15 (ci-après: ‘Union Européenne’).

    • 11 Du point de vue institutionnel, le parallèle est vite établit entre la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement, le Conseil des ministres et la Commission en tant qu’organes de direction de l’UEMOA et le Conseil européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne. Les compétences de la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UEMOA mises en rapport avec celles du Conseil de l’Union européenne sont édifiantes à plus d’un titre. En effet, aux termes de l’Art. 17 UEMOA la Conférence définit les grandes orientations de la politique de l’Union. L’Art. D du traité sur l’Union européenne (TUE) ne dit rien d’autre puisqu’il stipule que «le Conseil européen donne à l’Union les impulsions nécessaires à son développements et en définit les orientations politiques générales. Le Conseil européen réunit les Chefs d’Etat et Gouvernement ainsi que le président de la commission». A noter cependant que contrairement à l’UE où le Président de la Commission est membre de droit du Conseil européen en vertu du traité sur l’Union européenne, le président de la Commission de l’UEMOA assiste aux rencontres de la Conférence mais en aucun cas le traité n’en fait une obligation pour les Chefs d’Etat et de Gouvernement. Aussi, la Conférence entretien-t-elle un rapport hiérarchique à l’égard des autres institutions dans l’UEMOA et se présente ainsi comme la clé de voute du système alors que tel n’est point le cas du Conseil de l’Union européenne puisqu’il doit présenter un rapport au Parlement européen à la suite de chacune de ses réunions. V.P. Viaud, Union Européenne, supra note 10, p. 15.

    • 12 Précisons cependant que si dans l’UE l’Union monétaire s’est faite à posteriori, dans l’UEMOA, elle s’est faite à priori.

    • 13 Avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, la numérotation et la dénomination des Traités de l’UE a évolué. Le Traité instituant la Communauté européenne (TCE) est devenu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et le Traité sur l’Union européenne (TUE) demeure. Aussi les communautés n’existent plus ayant été substituées par l’Union européenne (voir Art. 1er du TUE). Pour le tableau de concordance voir Journal officielle de l’Union Européenne (JOUE), C 115 du 09 mai 2008, p. 361.

    • 14 L.M. Ibriga, L’état de la mise en œuvre de l’union douanière dans l’espace UEMOA, in Sensibilisation au droit communautaire de l’UEMOA, Actes du séminaire sous-régional, Ouagadougou Burkina Faso, 6-10 octobre 2003, Paris, 2003, p. 111 (ci-après:‘L’état de la mise’).

    • 15 C. Gavalda & G. Parleani, Droit des affaires de l’Union Européenne, 6ème éd, Paris, 2010, p. 69 (ci-après: ‘Droit des affaires’).

    • 16 Voir Communication de la Commission du 20 novembre 2007, doc. COM (2007) 724 final (non publié au JOCE).

    • 17 D. Carreau & P. Juillard, Droit international économique, Paris, 2003, p. 21.

    • 18 Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE), 5 mai 1982, Schul, aff. 15/81, Rec., p. 1409; CJCE, 17 mai 1994, France/Commission, aff. 41/93, Rec., p. 1829.

    • 19 J. Molinier & N. De Grove-Valdeyron, Droit du marché intérieur européen, 2ème éd, Paris, 2008, p. 14 (ci-après: ‘Droit du marché’).

    • 20 La section III du Traité de Dakar est intitulée «du marché commun».

    • 21 C’est la terminologie actuellement retenue par les traités. Voir J. Molinier & N. De Grove-Valdeyron, Droit du marché, supra note 19, p. 14.

    • 22 Ni le traité CE, ni le traité UEMOA ne définit la notion de marchandise. La CJCE a pallié à cette carence dans son arrêt Commission c/ Italie, 10 décembre 1968, aff. 7/68, Rec., p. 617.

    • 23 Avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne la CJCE est devenue en vertu de l’Art. 9 du TUE la Cour de justice de l’Union européenne. Dans le cadre de la présente communication, nous utiliserons la dénomination CJCE, les arrêts cités étant antérieurs à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.

    • 24 Art. 28 TFUE (ancien Art. 23 du Traité CE).

    • 25 Règlement (CEE) No. 802/68 du Conseil du 27 juin 1968, relatif à la définition commune de la notion d’origine des marchandises, JOCE No. L.148, 28 juin 1968, pp. 1 à 5; Art. 24 du code des douanes communautaire Règlement (CEE) No. 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, JO L 302 du 19.10.1992.

    • 26 Voir CJCE, 26 janvier 1977, Gesellschaft für Ueberseehandel c. Handelskammer Hamburg, aff. 49-76, Rec., I, p. 41; C. Gavalda & G. Parleani, Droit des affaires, supra note 15, p. 56.

    • 27 Voir l’Art. 4 de l’acte additionnel No. 04/96, bulletin officiel de l’UEMOA juin 1996; Protocole additionnel No. III/2001 bulletin officiel de l’UEMOA No. 24 quatrième trimestre 2001. Art. 4 de l’acte additionnel No. 04/96 précité.

    • 28 Voir l’Art. 6 de l’acte additionnel No. 04/96.

    • 29 Avant le 1er janvier 2003, pour qu’un produit industriel puisse être considéré comme originaire, il fallait qu’il ait dans sa composition au moins 60% de matières 1ère de l’Union. Si les matières 1ère proviennent de l’extérieur, il lui fallait une valeur ajoutée au moins égale à 40% du prix ex usine hors taxes.

    • 30 Voir l’Art. 5 du Protocole additionnel No. III/2001.

    • 31 Voir le site internet de l’UEMOA, disponible à <www.uemoa.int>.

    • 32 Voir Décision No. 93/465/CEE du 22 juillet 1993 concernant les modules relatifs aux différentes phases des procédures d'évaluation de la conformité et des règles d'apposition et d'utilisation du marquage «CE» de conformité, destinés à être utilisés dans les directives d'harmonisation technique, JO L 220 du 30 août 1993, COM/93/144-02; modifié par la Règlement No. 765/2008 du 6 février 2008 portant accréditation et surveillance du marché (non publié au JO).

    • 33 Voir rapport 2008 de la Commission de l’UEMOA sur le fonctionnement et l’évolution de l’union.

    • 34 Sur le droit douanier communautaire européen voir notamment C.J. Berr, ‘Introduction au droit douanier’, Economica 2008, p. 73; J.C. Berr & E. Natarel, ‘Union douanière’, 3 RTD eur 2006, p. 463; ‘Union douanière’, 4 RTD eur 2007, pp. 665-677; Sur le droit douanier UEMOA voir notamment F.-X. Bambara, La réglementation douanière communautaire de l’UEMOA, in Sensibilisation au droit communautaire de l’UEMOA, Actes du séminaire régional sur l’Ordre communautaire de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), Ouagadougou Burkina Faso, 1-5 novembre 2004, pp. 101-116 (ci-après: ‘La réglementation’); L.M. Ibriga, L’état de la mise, supra note 14, pp. 111-124.

    • 35 F.-X. Bambara, La réglementation, supra note 34, pp. 101-116.

    • 36 Voir dans ce sens l’Art. 28 du TFUE (ancien Art. 23 du traité CE) et l’Art. 77 du traité UEMOA.

    • 37 Pour l’UEMOA voir le règlement No. 09/2001/CM/UEMOA du 26 novembre 2001 portant adoption du code de douanes de l’UEMOA.

    • 38 L.M. Ibriga, L’état de la mise, supra note 14, pp. 111-124.

    • 39 L. Dubouis & C. Blumann, Droit matériel de l’Union européenne, 5 éd, Domat, 2009, p. 236 (ci-après: ‘Droit matériel’).

    • 40 CJCE, 1 juillet 1969, commission c/Italie, aff. 24/68, Rec., p. 193; CJCE, 7 juillet 1994, Lamaire NV, aff. 130/93, Rec., p. 3215.

    • 41 CJCE, 9 septembre 2004, Carbonati Apuani c/ Comune di Carrara, aff. C-72/03, Rec., I-8027; Europe nov. 2004, No. 350, note A. Rigaux; J. Cavallini, ‘Chronique de jurisprudence de la Cour de justice’, RMCUE, No. 491, septembre 2005, p. 535; RDUE, No. 2, 2004, p. 323.

    • 42 Sur la distinction entre mesures taxes d’effet équivalent à des droits de douanes d’avec les autres catégories de prélèvements, voir J. Molinier & N. De Grove-Valdeyron, Droit du marché, supra note 19, p. 230.

    • 43 CJCE, 26 février 1975, W. Cadsky SpA contre Istituto nazionale per il Commercio Estero, aff. 24/68, Rec., p. 281.

    • 44 Voir infra point B.

    • 45 L. Dubouis & C. Blumann, Droit matériel, supra note 39, p. 262.

    • 46 CJCE, 9 décembre 1997, Commission v. France, aff. C-265/95, Rec., I-6959. Il s’agissait d’une entrave du fait des agriculteurs français manifestant contre l’importation de fruits et légumes d’Espagne.

    • 47 Sur la notion de mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives voir notamment, CJCE, 11 juillet 1974, Dassonville, aff. 8/74, Rec., p. 834; 24 novembre 1993, Keck et Mithouard, aff. 267 et 268/91, Rec., p. 6097; M.A. Dauses, ‘Mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes’, RTDE, No. 4, 1992, p. 607.

    • 48 Pour un aperçu des différentes mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives, voir J. Molinier & N. De Grove-Valdeyron, Droit du marché, supra note 19, p. 59 et seq.

    • 49 Voir Livre blanc sur l'achèvement du marché intérieur de la Commission du 14 juin 1985.

    • 50 A. Mattera, ‘Libre circulation des marchandises et Arts. 30 à 36 du traité CEE’, RMC 1976, p. 500.

    • 51 D. Abarchi, ‘Problématique des réformes en Afrique: le mimétisme juridique comme méthode de construction du droit’, Revue Penant, No. 842, 2003, pp. 88-105 (ci-après: ‘Problématique des réformes’).

    • 52 Voir notamment le huitième rapport de l’Observatoire des Pratiques Anormales, publié le 8 septembre 2009; voir aussi 4402 le Pays du 7 juillet 2009, p. 8.

    • 53 Voir M. Sossouvi, La libre circulation des marchandises et des capitaux dans la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à travers l’expérience de la Communauté Economique européenne (CEE), Thèse, 1989, p. 18.

    • 54 R. Gardner, Sterling-Dollar Diplomacy, the Origins and the Prospects of our International Economic Order, New York, 1969, p. 9.

    • 55 Voir Livre blanc sur l’achèvement du marché intérieur du 14 juin 1985.

    • 56 CJCE, 20 février 1979, Rewe-zentral AG c. Bundesmonopolverwaltung für Branntwein-Q. P. Hessisches Finanzgericht dit “Cassis de Dijon”, Aff. 120/78, Rec., p. 649.

    • 57 Voir communication de la commission sur les suites de l’arrêt rendu par la Cour de Justice des Communautés européennes Journal officiel No. C 256 du 3 octobre 1980, p. 2 et seq.

    • 58 Voir l’avis No. 001/1997 de la Cour de justice UEMOA du 20 mai 1997.

    • 59 Art. 61 UEMOA.

    • 60 L’emploi du terme «mesures» suppose un libre choix de l’acte par le législateur. La CJCE a confirmé cette analyse dans l’arrêt, CJCE, Royaume-Uni c/Parlement européen et Conseil 6 décembre 2005, aff. C-66/04, Rec., I-10555, Europe No. 30.

    • 61 Voir Art. 61 UEMOA.

    • 62 J. Koutaba, Les limites sociologiques à l’application du droit, in Sensibilisation au droit communautaire de l’UEMOA: actes du séminaire sous-régional des 6-10 octobre, Ouagadougou Burkina Faso, 2003, p. 201.

    • 63 Voir Art. 4 (e) UEMOA.

    • 64 Voir notamment l’Art. 5 du traité CE; L. Dubouis & C. Blumann, Droit matériel, supra note 39, p. 323.

    • 65 D. Calleja, D. Vignier & R. Wägenbaur, Dispositions fiscales-rapprochement des législations, in J. Megret, le droit de CEE, 2ème éd, 1993, p. 3.

    • 66 C. Blumann & L. Dubouis, Droit Institutionnel de l’Union européenne, 2ème éd, p. 1 et seq.

    • 67 Directive du 14 Avril 1967 No. 67/227, JOCE No. 71, 14 Avril 1967, pp. 1301 et 1303.

    • 68 Directive No. 69/463/CEE, JOCE L 320 du 20 Décembre 1969, p. 34.

    • 69 Directive du 17 Mai 1977 No. 77/388/CEE, dite sixième directive TVA, JOCE L 145 du 13 Juin 1977, p. 1. Directive 2004/7, JO L 27, du 30 Janvier 2004.

    • 70 Les droits d’accises ont été harmonisés par la directive 92/12, JO l 76, du 23 Mars 1992 et le directive 2004/106, JO L 359, du 4 Décembre 2004.

    • 71 Voir Art. 113 du TFUE (ancien Art. 93 du traité CE).

    • 72 Voir directive No. 02/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant harmonisation des législations des Etats membres en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA).

    • 73 Voir directive No. 03/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant harmonisation des législations des Etats membres en matière de Droits d’accises.

    • 74 Voir A. Faustin, BOCCO, Politique commerciale commune et rôle de l’UEMOA dans les négociations commerciales, in Rencontre communautaire d’échange sur «la politique commerciale commune de l’UEMOA et les négociations commerciales», Bamako, 13 au 15 février 2007.

    • 75 Voir directive No. 01/2008/CM/UEMOA du 28 mars 2008 portant harmonisation des modalités de détermination des modalités de détermination du résultat imposable des personnes morales au sein de l’UEMOA.

    • 76 Voir règlement No. 08/CM/UEMOA du 26 septembre 2008 portant adoption des règles visant à éviter les doubles impositions au sein de l’UEMOA et des règles d’assistance en matière fiscale. Ce règlement est entré en vigueur le 1er janvier 2009 et peut donc être invoqué par les contribuables de l’Union.

    • 77 D. Simon, Le système juridique communautaire, 3ème éd, Paris, 2001, p. 387.

    • 78 CJCE, 5 Février 1963, van Gend en Loos, 26/62, p. 1- G.A., T. 1, No. 29.

    • 79 CJCE, 21 Juin 1974, Jean Reyners c/Etat Belge, aff. 2-74, Rec., p. 631.

    • 80 Voir Art. 6 du protocole.

    • 81 D. Abarchi, Problématique des réformes, supra note 51, pp. 88-105.

    • 82 F. Perroux, l’économie des jeunes nations, Paris, 1962, p. 168, cité par L.M. Ibriga, L’état de la mise, supra note 14, p. 111.

    • 83 A. Watteyne, ‘Une intégration économique africaine à l’image de l’intégration économique européenne: le cas de l’UEMOA’, Revue burkinabé de droit, No. 39-40, 2001, p. 83 et seq.

    • 84 L.M. Ibriga, A.S. Coulibaly & D. Sanou, ‘droit communautaire ouest-africain’, Collection Précis de droit burkinabè 2008, p. 197 (ci-après: ‘Droit communautaire’).

    • 85 Voir Rapport sur l’Union européenne du premier ministre Belge cité par E. Cerexhe, in préface de L.M. Ibriga, A.S. Coulibaly & D. Sanou, droit communautaire, supra note 84, p. 1.